Lentement mais sûrement, le projet d’euro numérique trace son chemin. Il a franchi en juin dernier une nouvelle étape : la Commission européenne a présenté un cadre législatif afin de donner d’indispensables bases juridiques à la future monnaie. S’il doit encore être approuvé par le Parlement européen et les 27 États membres, ce document apporte d’ores et déjà quelques précisions sur ce que pourrait être cette nouvelle devise.
Que permettra cette monnaie digitale portée par la Banque centrale européenne (BCE) ? Elle constituera une nouvelle option de paiement dans les vingt pays de la zone euro, en complément des espèces. Les particuliers comme les entreprises pourront mettre des euros numériques sur une carte ou sur une application de leur téléphone portable. Ils utiliseront ensuite ce portefeuille digital pour leurs achats en ligne mais aussi pour des paiements du quotidien, sans connexion internet.
Une « alternative publique » aux solutions de paiement existantes
Cet euro numérique sera « accessible à tous, partout et gratuitement », assure le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis. La devise digitale représentera une « alternative publique » aux nombreuses solutions de paiement privées déjà largement utilisées par les consommateurs (cartes de crédit, applications mobiles…).
« Accessible à tous, partout et gratuitement »
Ses promoteurs y voient deux avantages majeurs. Il s’agit tout d’abord de proposer un service universel et sans frais. Un service vers lequel pourront notamment se tourner plusieurs millions d’Européens qui n’ont aujourd’hui pas accès à un compte en banque.
Cette nouvelle monnaie devra également réduire la dépendance du continent vis-à-vis des grands systèmes internationaux de paiement, en premier lieu les Américains Visa et Mastercard. En ce sens, l’initiative de la BCE est aussi une réponse au développement à grande vitesse de nouveaux concurrents, cryptomonnaies ou versions numériques de monnaies étrangères (le yuan numérique de la Chine par exemple).
Vers un scénario noir pour les banques ?
Face à la baisse progressive de l’usage de l’argent liquide, la mise en place d’une version numérique de l’euro apparaît comme une évolution logique. Elle n’en suscite pas moins des inquiétudes, en premier lieu concernant la confidentialité des données (garantie jusque-là par les échanges de pièces ou de billets) et, avec elle, la protection de la vie privée. Les transactions en euros numériques ne risquent-elles pas d’être tracées ? Les instances européennes se veulent rassurantes sur le sujet, la BCE assurant que l’euro numérique offrira « le plus haut niveau de confidentialité ». « Il ne s’agit pas d’un projet Big Brother », insiste la commissaire aux Services financiers, Mairead McGuinness.
« Il ne s’agit pas d’un projet Big Brother »
Le projet a également provoqué des craintes au sein du secteur bancaire. Ses acteurs redoutent ce qui serait, pour eux, un scénario noir : un retrait massif d’argent des comptes qu’ils administrent, orchestré par des clients préférant se constituer un stock d’euros numériques. Pour l’éviter, la BCE prévoit de déterminer un montant plafond pour les euros conservés sous forme digitale, qui pourrait s’élever à 3 000 euros. Parallèlement, les instances européennes précisent que ce seront les banques qui distribueront l’euro numérique, la BCE n’ayant pas vocation à nouer de relation contractuelle avec les utilisateurs.
La phase d’étude du projet touche aujourd’hui à sa fin. Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne devrait se prononcer cet automne, afin de décider s’il lance officiellement la phase de préparation et d’expérimentation de l’euro numérique. Une nouvelle étape prévue pour durer trois ans, avant un lancement officiel envisagé entre 2027 et 2028.