Le concept de smart city ou ville connectée a significativement évolué depuis son émergence à la fin des années 90. Il tend ainsi désormais à s’effacer au profit de celui de territoire intelligent. Dans un rapport de 2017, le cabinet Roland Berger identifiait 25 communes, métropoles et communautés d’agglomération (dont 23 comptant moins de 250 000 habitants) développant des services intelligents et qualifiés par les pouvoirs publics de smart cities.
La plupart de ces projets demeuraient embryonnaires. Quant à l’image de la ville entièrement connectée, telle qu’imaginée au départ par les géants des technologies, elle se révèle aujourd’hui obsolète. C’est d’ailleurs ce qu’établissait dès 2021 une étude remise au gouvernement.
De la smart city au territoire intelligent
“Le recours au terme de smart city est, de l’avis de tous ou presque, à bannir”, soulignaient les auteurs. Un choix justifié par plusieurs raisons, dont notamment l’échelle des projets. En 2021, plus de 200 territoires avaient engagé en France des projets intégrant des innovations numériques et ces derniers peuvent être de tailles très différentes. « Le sujet n’est plus celui des villes (ou des cities), mais bien celui des territoires (urbains, péri-urbains, ruraux) », considérait dès lors l’étude.
Dans une analyse de 2022, l’institut Xerfi étayait encore le portrait-robot de la smart city et de ses contours. Oubliés les projets pharaoniques, ceux du tout connecté ou interconnecté. Place pour les élus à des « projets aux effets les plus tangibles pour les populations. » Cette nouvelle approche se traduit par l’adoption de solutions innovantes visant à « améliorer par petites touches les services publics du quotidien au détriment des mégaprojets tout connectés. »
Quid alors des cas d’usage ? Les métiers concernés ont en commun d’être des métiers de flux. Ils opèrent des réseaux et leur pilotage fait depuis longtemps appel à la donnée. Ils englobent ainsi les métiers de la mobilité, de la gestion de l’énergie (dont l’éclairage public), de la gestion de l’eau, et de la gestion des déchets. S’y ajoutent aussi ceux de l’environnement, de la gestion patrimoniale, du tourisme et du commerce. La raison est simple. Tous se prêtent au déploiement de capteurs, à la collecte de mesures et de données utiles au pilotage de l’action publique.
Les cas d’usage répondent donc aux besoins de pilotage et d’amélioration des réseaux et flux associés. En matière d’éclairage public par exemple, un projet de territoire intelligent pourra se traduire par la transition vers la technologie LED et l’intégration de systèmes connectés, permettant ainsi la détection de présence et des économies d’énergie.
Le micro-datacenter est perçu par certaines petites et moyennes collectivités comme un levier facilitant l’accès à des solutions souveraines ou propriétaires.
L’Edge Computing est à envisager pour la gestion du trafic routier, de la distribution de l’eau ou de l’énergie.
Des micro-datacenters taillés pour le terrain
Pour rendre possible ces projets, des composants technologiques sont en effet indispensables, dont des infrastructures réseaux (fibre, 5G, IoT) et des solutions d’hébergement des données. L’Edge Computing trouve donc naturellement sa place dans les ambitions des territoires intelligents afin de permettre des traitements locaux et du temps réel.
Le déploiement d’infrastructures en périphérie vise en effet à résoudre des problèmes de latence ou de connectivité en traitant les données au plus près de la source, ou encore à transférer efficacement et facilement des données entre Cloud et Edge.
Pouvant prendre la forme de micro-datacenters, l’Edge offre la possibilité aux collectivités territoriales de s’équiper de leur propre infrastructure, à faible coût. Ces ressources locales sont alors installées en essaim.
Le micro-datacenter est d’ailleurs perçu par certaines petites et moyennes collectivités comme un levier facilitant l’accès à des solutions souveraines ou propriétaires. À noter que des démarches hybrides associant cloud et stockage des données sur site sont aussi possibles.
Le développement de la 5G renforce également la pertinence de l’Edge Computing en ouvrant la porte à des cas d’usage innovants, en France comme à l’étranger. En Corée du Sud par exemple, l’opérateur SK Telecom conçoit une infrastructure destinée à la création de réseaux 5G privés et managés. Ce service, appliqué à la santé, au retail ou à la construction, permet d’utiliser des réseaux mobiles très haut débit privés pour connecter des systèmes en périphérie et développer de nouveaux services connectés.
Deux prérequis pour limiter les coûts
De manière générale, l’Edge Computing constitue une piste technologique à envisager pour des projets liés au contrôle du trafic routier, à la gestion de la distribution de l’eau ou encore à l’optimisation de la consommation électrique.
Une association de l’Edge et de l’IA permettra aussi de déployer des systèmes de Computer Vision pour assurer la surveillance et la sûreté des espaces publics. Les JO de 2024 en France seront d’ailleurs l’opportunité d’expérimenter un dispositif inédit de vidéoprotection couplé à un logiciel de traitement automatisé d’images en temps réel.
Les JO 2024 expérimenteront un dispositif inédit de vidéoprotection couplé à un logiciel de traitement automatisé d’images en temps réel.
Mais les projets de territoires connectés nécessitent aussi, notamment pour des raisons de coûts, de tenir compte de deux exigences : la mutualisation et l’interopérabilité. La mutualisation porte, entre autres, sur les infrastructures numériques, dont les réseaux et capteurs. Une même infrastructure peut être exploitée pour la collecte, le stockage et le traitement de plusieurs sources de données.
L’interopérabilité constitue un second prérequis. Elle englobe aussi bien les données elles-mêmes, que la connectivité et l’infrastructure technique. Le but est simple : garantir l’interconnexion entre différents systèmes et leur évolutivité, et ainsi prévenir l’obsolescence ou la dépendance à un vendeur ou technologie.